Dominique Aubier…
une œuvre qui s'inscrit dans le Temps…
Par Dominique Blumenstihl
Il existe plusieurs façons de présenter son œuvre…
Tout dépend de l'angle sous lequel on en considère le motif. Plusieurs prises de vue sont possibles, en fonction, chaque fois, du but poursuivi, alors que la même méthode et le même système de référence sont au travail. Essayons de fixer notre regard sur l'un ou l'autre des aspects que prend l'élucidation entreprise, selon qu'elle s'attache à résoudre tel ou tel problème. C'est le mystère même d'une doctrine véritablement universelle que couvrir tour à tour et sans les décomposer les divers éléments de la réalité observable.
Tel est le pouvoir du système de pensée reconstitué par Dominique Aubier, à partir des mémoires traditionnelles et des données objectives décrites par les sciences. Il s'agit d'une table de références à la fois simple et complexe, de tempérament organique, c'est-à-dire bien vivante. Sa grille permet d'affronter chaque grande couleur fondamentale du spectre que le réel et la vie tissent à neuf à tout instant. Du bleu de la gouverne individuelle de soi au rouge de la crise collective, plusieurs bandes demandent à être passée à son crible. L'intelligibilité qui en résulte est souveraine.
Et cela nous intéresse au plus vite, de toute urgence, car tout fait problème en cet actuel "bas monde". Mais aucune solution ne peut se proposer qui ne soit sérieusement assise sur les conditions ayant fait surgir la question qui l'appelle.
Le raisonnement poursuivi s'y appuie sur toutes les preuves possibles, réunissant les instructions disponibles et accessibles culturellement aujourd'hui, pour un chercheur guidé par une méthode puissante. Mais ce discours, si étayé qu'il soit et peut-être même parce qu'il est trop bien étayé, déconcerte les lecteurs habitués à des présentations d'idées moins rigoureuses. C'est qu'il ne s'écoule pas des accoutumances et des certitudes devenues des poncifs dont l'insistance dans l'application nous vaut tant de maux. Pourquoi nous priver plus longtemps d'une analyse et d'une méthode de pensée utiles? Notre intention consiste tout juste à les faire connaître, dans sa rigueur comme dans son amplitude, par les moyens pédagogiques les plus adaptés : cours, conférences, séminaires.
I - Du point de vue objectif.
Plaçons-nous d'abord dans la perspective de la science. C'est que la science dispose actuellement de l'autorité. Elle sait et ce qu'elle dit s'impose à nous, alors même que nous contestons les effets néfastes de son impérialisme technologique et industriel. Il y a donc lieu de distinguer entre le Savoir objectif et son utilisation. Les travaux de Dominique Aubier conduisent à comprendre qu'il y ait à la fois compétence à écouter les rapports de la Science et inconvénient grave, désormais, à se laisser emporter par sa logique perforatrice. Il faut distinguer entre le savoir et les utilisations matérielles qui en découlent. Ce qui importe aujourd'hui, c'est le constat théorique: le savoir objectif s'est rendu capable de présumer l'existence d'un motif unique au sein des constructions multiples du réel. Toutes les voies de la recherche aboutissent à cette forte présomption. Face à cette problématique, le travail de Dominique Aubier s'avère décisif. La Rationalité a besoin d'une synthèse qu'elle ne parvient pas à se forger. Dominique Aubier vient tout à propos leur rappeler que la synthèse n'a pas à être inventée : elle a été donnée. Le Sacré la connaît et en préserve depuis toujours le principe. L'intervention de Dominique Aubier est originale et neuve en cela qu'elle délivre l'identité du modèle absolu, jusqu'ici propagé en secret par les traditions.
Dans cette perspective, son travail a la valeur d'une approche où les faits de savoir objectif acceptent de se ranger dans l'ordre du motif unique enfin connu dans son essence et sa nature, de manière à mettre bonne fin à la traque du principe d'unité. Depuis plus d'un demi siècle, cet objectif excite les esprits forts au sein de la cité scientifique. Aucun résultat ne couronne cette recherche obstinée. Il ne sert à rien d'insister. Le motif unique ne tombera pas dans les filets du savoir objectif. Il n'est pas discernable dans les eaux réflexives où circule la pensée scientifique. En revanche, il est connu de la Connaissance sacrée.
Dans le souci de rendre clair ce qui jusque là ne l'était pas, Dominique Aubier s'est attachée à saisir le principe d'unité tel qu'il est connu des grandes traditions initiatiques, la Kabbale et le Soufisme en particulier, montrant, par des analogies pointilleuses, que le "Grand secret du Sacré" répond bien à l'attente du savoir objectif. Il est trop facile d'objecter qu'une telle initiative n'est pas appréciable par le commun des mortels, qu'elle interpelle le milieu scientifique et que seuls les savants sont habilités à l'apprécier, pour l'accepter ou la refuser.
Ce serait le cas si le modèle d'Absolu n'intéressait que le savoir objectif. Il reviendrait alors à Dominique Aubier l'honneur réduit mais non sans importance d'avoir transmué l'apostrophe pressante des sciences en une déclaration d'identité remontant au commencement de la Création. Ce n'est pas rien que transformer un essai en tir au but, pour le dire en termes de football. Mais ce rien ne serait pas ce qu'il est s'il se limitait à cette réussite. C'est un rien qui fait tout : il a le privilège de se convertir en intelligence du réel. Là est le miracle du grand Secret du Sacré. Il autorise toutes les investigations, toutes les vérifications possibles. Les conséquences de son apparition en milieu culturel ne seraient pas négligeables. La méthode scientifique y trouverait le moyen de surseoir à ses limites actuelles. La Rationalité à quoi nous tenons si fort pourrait se recomposer un cadre fonctionnel d'envergure, s'agrandissant aux proportions d'un rationalisme intégral et puissamment intégrateur. S'arrêterait-elle à ce seul effet que la proposition de notre auteur serait déjà considérable. Mais elle ne solliciterait en nous que les citoyens amarrés à la science par la force des choses du devenir civilisateur. Elle ne séduirait pas nos individualités soucieuses de découvrir un art de vivre qui favorise l' accomplissement de l'être.
II - Du point de vue du Sacré.
Dominique Aubier ne prétend aucunement avoir créé un dogme personnel. L'identité du motif unique qu'elle présente comme un fait de révélation n'est pas le fruit de son imagination. Elle l'a extirpée des allusions plus ou moins claires qui font l'objet de la mémorisation sacrée, au sein des cultures traditionnelles. On ne saurait l'ignorer . L'auteure insiste toujours sur cet aspect de l'analyse culturelle propre à l'Occident : les sciences humaines se sont attachées à étudier les diverses croyances qui tapissent la conscience générale. Ethnologues, anthropologues, mythologues ont parfaitement décrit les diverses formes de sapience qui participent depuis des siècles à la grande réflexion humaine. Ils ont constaté qu'elles semblaient adhérer à un même principe souterrain, à un même fondement reconnu pour être la cause génératrice de leurs critères moraux, sociologiques, mythologiques ou rituels.
Mais si finement qu'ils aient étudié les aires spirituelles avec lesquelles ils avaient des affinités, généralement linguistiques, ni Henry Corbin, ni Mircéa Eliade, ni aucun de nos grands spécialistes scientifiques du Sacré n'a pu dégager le nom et la nature du principe d'unité dont ils ont perçu la présence commandante sous les rites et les croyances.
Comment se fait-il que Dominique Aubier ait eu cette capacité ? Elle ne s'en cache pas.
Elle a pu procéder à cette révélation en reprenant celle opérée par Miguel de Cervantès. L'auteur de don Quichotte est intervenu le premier sur l'état de révélation réalisée avant lui par le kabbaliste Moïse Schem Tob de Léon, dans Le Zohar. Car, au sein de la tradition hébraïque, le secret a circulé. Il est passé de maître en maître, objet d'une consigne de silence. Mais de maître à disciple bien dirigé, la communication a toujours été assurée. Plus encore : la conception du modèle absolu s'est affinée, précisée, enrichie, tandis qu'elle se faisait réfléchir par les fortes et puissantes têtes des grands initiés.
La Diaspora s'est prétée au transport de cette connaissance en milieu non juif. L'Espagne, plus qu'aucune autre nation occidentale, a été imprégnée de doctrine kabbalistique. Une université a même été fondée tout exprès à Alcala de Hénarès, en pleine Inquisition, pour maintenir coûte que coûte l'enseignement de la sagesse condamnée par l'Eglise. Rien d'étonnant à ce qu'un habitant de cette ville y ait appris ce qu'il était interdit d'enseigner mais qui s'enseignait tout de même. A très haut niveau. A un point d'ébullition si élevé que les familiers du Saint Office n'avaient pas le thermomètre intellectuel assez fin pour prendre note de la température qui régnait entre les docteurs de la Loi réunis — paradoxalement par le Grand Inquisiteur Cisnéros — dans cette chaudière étonnante. La complicité la plus fervente et la plus résolue les associait dans la capacité souveraine de répandre le savoir interdit, en le prenant en somme "par les cheveux". Les Maîtres de la pensée biblique ont toujours su trouver des échappatoires pour maintenir la descente du message dont ils s'étaient chargés.
Dominique Aubier a écrit Don Quichotte, prophète d'Israël, (éditions Robert Laffont en 1966, réédité en 2012 aux éditions Ivréa-Gallimard) pour exposer ce problème passé inaperçu de la culture officielle, et pour cause ! C'est par Miguel de Cervantès que Dominique Aubier a été alertée. C'est dans don Quichotte qu'elle a découvert l'identité du modèle absolu. Un chapitre en révèle magistralement la nature, au moyen d'une mise en scène transparente, mais qui est restée opaque pour les lecteurs non prévenus.
C'est en cela que réside la racine de l'incompréhension dont est victime notre Auteure. Ses travaux se heurtent au mur de l'opacité entretenue par des siècles d'occultation frappant le message sacré. L'opposition continue à sévir alors même qu'un ardent désir de retrouver la sagesse perdue traverse les générations vivantes. A cet appel, répondent quantité d'ouvrages de bonne volonté. Mais le fin du fin du message n'y est pas.
Quand Dominique Aubier le met en valeur, les esprits sont dérouté. Ils sont conditionnés à comprendre des exposés qui n'en tiennent pas compte. Il en résulte une dramatique confusion. Ceux qui croient pénétrer les arcanes du Sacré rôdent en fait dans les fourrés épineux d'une ignorance incommensurable. Et ceux qui ont le désir et le courage d'en vouloir sortir sont décontenancés par la teneur intellectuelle des livres de Dominique Aubier. Ils sont tout surpris d'avoir à affronter une doctrine puissamment édifiée sur un savoir contrôlable, n'ayant jamais soupçonné qu'une pareille assise ait depuis toujours soutenu le Sacré. Ils sont victimes de la préparation sentimentale que leur ont distillé les amateurs de sapience traditionnelle, dans leur émoi naïf à participer à son étonnante certitude.
Rien de semblable dans l'attitude de Dominique Aubier. Elle se situe à l'opposé de ce comportement qui serait trompeur s'il n'était provisoire. Elle n'a de cesse d'exposer les critères initiatiques selon que l'exige la rigoureuse méthode qu'ils édictent. Elle n'a évité aucun problème posé par la doctrine kabbalistique.
Le premier problème, qui suscite tant de réticences, se confond à cette question : a-t-on le droit de révéler l'identité du motif unique?
Un livre a été tout exprès écrit pour arracher l'autorisation à l'état même du savoir dans le monde. Il faut avoir lu La Kabbale retrouvée ou le Secret des secrets, paru aux éditions Universitaires en 1981 (réédité sous le titre Le Secret des secrets) pour comprendre que la permission ait été donnée d'achever ce que Miguel de Cervantès avait commencé. Qui aura su voir, dans cette allégation, l'autorisation de parler donnée en bonne et due forme? L'ouvrage n'a pas frappé les esprits. Pas autant qu'il l'aurait dû faire, étant le document le plus officiel qui se puisse présenter délivrant la permission de parler comme inscrite dans l'état du savoir. C'est l'argument majeur, le seul valable. On n'en saurait opposer un autre à ceux qui s'imaginent que le secret doit rester secret, alors que Jésus lui-même a annoncé qu'il serait révélé, ayant la puissance messianique d'avertir. Les temps sont venus, conformément à sa promesse, de dire clairement ce qui était non pas caché mais inintelligible, faute d'être expliqué par le savoir expérimental. Tâter ce savoir pour déterminer ce qui peut être révélé, telle est la consigne issue du motif absolu. Un kabbaliste n'agit jamais autrement. L'initié qui vit en lui se considère seulement comme un catalyseur dont la présence active consiste à faire cristalliser une solution sursaturée.
Tel était l'état colloïdal, si l'on peut dire, du savoir scientifique en 1973, date à laquelle Dominique Aubier publie La Synthèse des sciences ou l'hébreu en gloire. La mise en évidence aura logiquement précédé la plaidoirie. Dominique Aubier a-t-elle cru ou espéré que le service rendu par son livre serait reconnu ? Offrir à la science l'identité du principe de synthèse ! Son offre aura été superbement ignorée. Si un Prix Nobel couronnait le ratage intellectuel, il devrait être attribué à l'intelligentsia française qui depuis vingt ans continue à ignorer ce dont elle a le plus grand besoin. Alors que c'est là, tout écrit et imprimé, disponible.
Eh oui, le secret a été éventé avant que soit produite l'allégation qui devait lui accorder le coup de tampon de la légitimitation. Laquelle n'a pas eu d'effet, non plus. Ce qui n'a pas empêché notre auteur de persévérer dans son entreprise de mise au point. La Face cachée du Cerveau est venue, dès 1989, apporter le supplément de preuves. Pratiquement, Jean Séveyrat aura fondé une maison d'éditions tout exprès pour publier cet ouvrage. Depuis, il a été repris par les éditions Dervy, réédité plusieurs fois par MLL et traduit en anglais et en allemand.
Que fait ce livre?
Il relance la notion de motif unique, en révèle une fois de plus l'identité et en développe les intériorités, les règles fonctionnelles, autrement dit, le système. Bien des traditions sont interrogées. Elles disent toutes la même chose. Mais pour s'en apercevoir, il faut extraire une à une les règles qu'elles sont célébrées sans dire de quel principe d'unité elles étaient les expressions. Qu'à cela ne tienne. Dominique Aubier les épingle une à une. Et nous voilà pourvu d'un dictionnaire des valeurs les plus éprouvées qui se puissent culturellement accepter. Jamais on n'avait assisté à pareil bal : les archétypes sont mis à danser, chacun adapté à sa musique. Ils sont appelés un par un, chacun apparu en costume de cérémonie, selon la coutume traditionnelle invoquée, parlant sa langue locale. Mais, attention. Accouplé à l'âme-sœur que lui est une juste donnée scientifique, il devient lumineux, irradiant, convaincant, d'une étonnante valeur instrumentale. L'outillage se forge dont chacun pourra se servir.
La Face cachée du Cerveau enseigne en effet ce qu'il est indispensable de savoir, pour manipuler avec aisance la grille d'unité, le système d'Absolu. Ces règles décrivent l'intérieur vivant et organique internes du motif unique. Elles définissent le système qui régit cette structure absolue. Ce sont exactement les critères jadis célébrés sous le nom d'universaux. Ils réapparaissent ici, dosés dans la pureté de l'universalité la plus convaincante. Libérés de toute obscurité, ils sont disponibles. Ils constituent ce qui devrait devenir la boîte à outils pour tout être soucieux d'accomplir son destin.
III - A quoi bon ?
A quoi bon, cette mise au clair ? Un ouvrage essentiel apporte réponse : L'Ordre cosmique. Connaître intimement le motif unique rend le plus grand service à la pensée humaine. Les règles qui en ressortent sont autant de critères pour sonder le mystère de notre présence sur Terre. Car enfin, que faisons-nous là ? Pourquoi vivons-nous ? Qu'est ce que l'Homme ? Etre ou ne pas être ? Là est bien la question ! Et puisque nous sommes vivants, locataires de cette planète qui dépérit sous nos pieds, autant plonger tête première dans l'énigme.
Dominique Aubier n'attend pas les Olympiades pour réaliser sa performance. Elle entreprend son marathon, comme pour son propre compte, comme s'édifier elle-même. L'Ordre cosmique semble difficile à lire. Il est surtout différent. La pensée qu'il développe est trop neuve. Et les conditionnements commerciaux ne se prêtent pas à sa publication. Qu'il y ait urgence à rétablir la vérité est un argument non rentable. Plusieurs refus s'opposeront à ce que ce grand essai voit le jour. Le malheur poursuit toujours l'esprit et le profit n'a pas intérêt à se ruiner lui-même en le laissant régner. Alors, que faire ? Statu quo définitif ? Pas de rupture possible ? C'est minimiser l'énergie qui anime notre auteur.
Elle sait ce qu'elle fait : elle fonde une maison d'édition avec son neveu et publie le texte. L'ouvrage est superbe. La thèse qui s'y trouve explicitée à partir de l'hébreu et des sciences physiques est la même que celle mise en images par l'art hindou. La couverture en témoigne empruntée à l'iconographie d'un manuscrit indien du seizième siècle. La vérité cosmologique souffrirait-elle de cet écart culturel ?
Un lecteur s'en indigne. Quoi ? Demander à l'Inde d'illustrer un raisonnement judéo-chrétien ? Un biologiste allemand n'accepte pas l'offense. Il défend le Bouddhisme comme si c'était l'attaquer qu'en concilier une vision essentielle avec la thèse biblique de la Création. Il y voit un regrettable mélange des genres. C'est au contraire l'universalité de la vérité qui autorise l'alliance. Comprise ici, dans Genèse, représentée là-bas, en belle imagerie visionnaire. La même conception du réel se révèle en langage écrit et en iconographie sacrée. Est-ce pour surprendre ? Ne serait-ce pas plutôt édifiant ?
Rassurant ? Convaincant ? L'ostracisme ne résiderait-il pas plutôt dans le fait d'interdire le rapprochement ?
Dominique Aubier passe outre à toute critique sans fondement. Son but ? Montrer, en toute occasion, l'extraordinaire cohérence des croyances humaines. Il lui importe plus d'établir cette concordance de convictions apparemment diverses que prêter l'oreille à des objections qui ressortissent de la crispation des idées arrêtées. Les croyances mal comprises ont donné lieu à trop de guerres de religions, au cours du temps. Rien ne vaut d'en célébrer la magistrale unité en cette époque où les reflux doctrinaux facilitent tant d'aigreurs intégristes. Il n'est qu'un moyen de les annuler et c'est de les guérir. Pour ce faire, un seul médicament : démontrer la convergence extrême des critères issus de la foi. Impossible d'y parvenir si l'on ne remet à plat les causes profondes des croyances. L'Ordre cosmique s'y emploie.
Dominique Aubier compter sur l'adhésion de deux ou trois milliers de lecteurs. C'est peu, mais toujours plus que le nombre d'adhérents de certains syndicats qui, avec moins de monde, parviennent à bloquer l'économie nationale. Elle prend le risque d'échouer commercialement. Mais le projet éditorial tient le coup. Et sans support médiatique, elle persévère dans sa voie. Prouver. Toujours prouver. Prouver en ouvrant toujours plus grand le champ de vision.
Faut-il établir en bonne et due forme que la conception biblique de l'Ordre cosmique est aussi celle qui a prévalu au sein des traditions orientales, si volontiers caressées aujourd'hui par ceux qui voudrait échapper à l'emprise hébraïque ? Qu'à cela ne tienne. Le Bouddhisme offre lui-même l'occasion suprême d'intercéder en faveur de cette unité qu'on voudrait lui faire renier.
S'éloignant apparemment de la Kabbale, Dominique Aubier interpelle la plus puissante des traditions, celle qui, partie de Chine, du monastère célèbre de Tchaolin, donne naissance au Kung-Fu, au Tch'an et au Zen. C'est prendre à parti la forme aujourd'hui la plus répandue de participation au Sacré, made in Orient, sans doute la plus populaire. Elle plaît, n'ayant, paraît-il, pas de support doctrinal. Il suffirait de s'asseoir sur le coussin et de prendre la pose pour s'absorber dans la sérénité extatique du Sacré. Mais c'est prendre l'accessoire pour l'essentiel ou alors l'expérience privée pour le contenu consensuel. En réalité, le Tch'an et le Zen, formes sur-travaillées du Bouddhisme, reposent sur une vision du monde et du réel. Toujours la même. Celle qui s'enracine sur le motif unique, sur le modèle absolu, Rosch pour l'appeler par son petit nom hébreu. Elle se déploie en une table de critères, toujours les mêmes, les archétypes du système Alef, pour le nommer comme il se doit, par son nom-source. Croire que le Zen n'a pas de doctrine explicite est une manière frauduleuse de s'éviter l'apprentissage intellectuel.
Mais la doctrine existe et elle est fort bien explicitée. Les kôans en constituent l'expression canonique. Ils se sont édifiés sur une armature intellectuelle rigoureuse. Il suffit d'apporter la table des archétypes, telle que décrite dans La Face cachée du Cerveau, en lui adjoignant les faits de conditionnement cosmique décrits par L'Ordre cosmique pour détenir le savoir nécessaire à la lecture de ces courts poèmes dont le mystère aura tourmenté plus d'un savant au Collège de France. Les voici, toute énigme éventrée, rangés au gré d'un ordre pédagogique des plus évidents dans La Puissance de Voir selon le Tch'an ou le Zen. Un livre que les sinologues de tout pays aurait intérêt à découvrir, quand bien même il mettrait fin à des recherches qui préfèrent le magma des références historiques à la pureté du sens.
Dominique Aubier ne lâche pas sa corde. Elle tient fermement la logique voulue par l'exposition moderne de la doctrine sacrée. Pour s'en convaincre, il n'est que de lire ses livres dans l'ordre où ils sont apparus. Curieusement, les libraires ne savent comment les classer. Sur quelle étagère installer une suite de titres qui avancent comme qui dirait au coude à coude ? L'occultisme ? L'œuvre de Dominique Aubier est à l'opposé de l'ésotérisme. Les sciences humaines ? Les ouvrages en cause ne sont pas inspirés par la méthode scientifique. Ils sont le fruit d'une réflexion guidée par des critères initiatiques. On n'en peut comprendre le bien-fondé qu'en apprenant les règles qui régissent ledit système Alef. C'est au sein de sa table périodique des valeurs universelles que se trouve le principe du Rapprochement des Contraires, puis de l'Union des Opposites. Rien de semblable ne se conçoit au sein de la méthode objective. Et si quelques savants, récemment, ont accepté de pactiser avec les philosophies orientales, comme Fritjof Capra, par exemple, avec son Tao de la Physique, c'est que la réalité a ses raisons, que notre raison ne connaît pas toujours, et qu'elle suscite ce qui convient à son programme, fût-il ou non connu et reconnu. Les lois évolutives sont immuables. Elles sont conformes au plan Rosch, au système Alef, au principe d'unité que le Sacré défend sous le nom général de vérité. Les hommes obéissent à la dynamique du système Alef qu'ils le veuillent ou non, l'acceptent ou pas. Rien d'étonnant à ce que des physiciens aient été tentés de rapprocher leur savoir des suggestions philosophiques orientales. La vie les a invités à se comporter ainsi : c'est qu'en bon ébéniste, elle en rabotait le thème archétypal, dans les dessous de sa menuiserie. Les faits prennent toujours source sur son établi. C'est pourquoi les événements finissent toujours par révéler le plan ouvrier qui les a forgés. Aussi, une fois déposés dans l'expérience ou l'histoire, deviennent-ils des traces bonnes à interroger pour reconstituer la démarche du réel.
IV - La réalité sociale.
La démarche du réel, c'est tout juste ce que nos futurologues ne savent pas repérer. Nos observateurs scientifiques raisonnent en dehors de la mécanique évolutive qui régit les événements. Ils demandent au passé, aux acquis, de leur fournir des schémas conducteurs d'avenir. Mais le passé s'est inscrit dans une couche évolutive qui n'a plus cours au présent et les calculs qui n'en tiennent pas compte sonnent faux. C'est l'autorité de l'expérience… Les faits, dès lors, viennent de travers, corroborant ainsi l'erreur. Et Dieu sait qu'actuellement ils s'y emploient. C'est que nos décisionnaires conduisent la vie par des rênes qui ne touchent pas le cheval de la Vie. Ils fouettent des bêtes qui ne sont pas là où ils voient les brancards. Il faut rectifier les points de vue. Dominique Aubier en a les moyens. On n'aura aucune peine à objecter que si elle sait comment s'y prendre, pour décrypter les choses de la réalité, que ne le fait-elle ? Qu'elle se mette en face de ce qui surgit dans l'éclaircie du présent. Qu'elle plante sa tente face à la réalité quotidienne et collective et non dans les étoiles. Qu'elle nous dise ce qu'elle voit.
Mais suffit-il qu'elle le fasse ?
Elle l'a fait et à trois reprises en moins de quinze ans, chaque fois en un moment clé de notre aventure sociale, dans cette France qui se ruine en chômage et projets industriels grandiloquents. Qui l'a écoutée dans les milieux politiques pourtant avertis, dans les médias qui se complaisent, il est vrai, à serrer le baillon sur tout ce qui n'est pas d'usage et d'usure agréés ?
L'indifférence culturelle étouffe. L'ignorance est comme une montagne. Pourquoi grimper sur des pentes que nul ne veut fréquenter ? Dominique Aubier, lui ai-je demandé un jour, pourquoi ne changez-vous pas de place votre piolet ? Au lieu de s'élancer sur les pistes inviolées ou presque du vaste inconnu cosmique, ou des chinoiseries subtiles de l'intellect oriental, que n'allez-vous droit au refuge, là où les inquiétudes se rassemblent autour du feu de l'actualité. N'est-ce pas une erreur que s'éloigner de la vie vivante ? Une présomption que ne pas respecter l'ici et maintenant ? Si vous aviez tenu un discours adapté aux difficultés de notre époque, peut-être aurions-nous prêté l'oreille ?
« Je suis descendue plusieurs fois sur le terrain qui nous intéresse tous. Non pas une fois mais trois, comme l'exige la règle des trois niveaux d'organisation. Il y a eu d'abord, un avertissement livré sous le titre Catalina ou la Bonaventure dite aux Français. Il était pertinent de l'adresser à l'homme qui venait d'être élu Président de la République. L'ouvrage est donc dédié à François Mitterrand. Le texte de l'envoi n'aurait dû tromper personne. Il y était déclaré sans ménagement que l'offrande s'adressait au symbole constitué par la montée au créneau élyséen d'un homme dont le nom en disait long sur la qualité de son option. Non point au socialiste mais à l'homme qui, écrivain devenu chef d'Etat, symbolise la montée du Verbe au pouvoir. Le Verbe et non pas le parti politique. Le bâillon de l'option politique a-t-il aveuglé les lecteurs ? Certains s'y sont trompés qui ont cru à un panégyrique du socialisme, là où il n'était question que de mesurer, en termes de système évolutif, l'effet changement. Le raisonnement développé en plusieurs conférences suffisait à permettre le distingo. Il n'y était pas dit que la Gauche, avec ses critères datant de la machine à vapeur, allait sauver la France et le monde. Il était au contraire proposé, à l'homme qui jouait les grands humanistes, de bien vouloir considérer le point de vue initiatique afin de s'en inspirer dans la conduite des affaires culturelles et nationales. La crise en cours était décrite comme un effet évolutif, dans une perspective de plusieurs millénaires. Le péché d'Eve y tenait le rôle à déjouer d'un gêne malfaisant. Une exégèse serrée mettait au clair le signal de Satan, invitant le pouvoir à ne pas le rééditer. L'enseignement dépassait et de loin les ratiocinations économiques et politiques dont les décisionnaires de tout poil aiment à se gargariser. L'avertissement n'a pas été entendu. »
Pourtant, au cours d'une de ces émissions télévisées qui permettent de subtils plaidoyers pro domo et dont nos chefs ont le goût, François Mitterrand, en fin d'année 1982, a pris la peine de répondre à ce livre qu'il semblait donc avoir lu. Sinon pourquoi aurait-il dit, en substance, on veut nous faire croire que la crise est évolutive. Elle est d'origine capitaliste. Il répliquait cela avec sa faconde d'homme tranquille portant la sagesse sous son chapeau. Qui, à part Dominique Aubier, parlait de crise évolutive, invitant à considérer la responsabilité de la structure porteuse d'évolution, derrière les effets objectivement repérables? Seul le livre de Catalina suggérait de veiller au grain, à ce grain, comme on le dit d'un tissu, qui trahit la présence sous-jacente d'une trame dynamique, conduisant les événements. Cette idée ne court pas les rues. Les économistes ne la transportent pas dans leur attaché-case. Elle n'a toujours pas prédominé sur les lamentables critères issus de l'observation à courte vue qui nous inventent une futurologie incessamment prise en défaut.
Certaine de son fait, Dominique Aubier réitère son discours sur la crise à l'occasion du retour de la Droite revient au pouvoir. Indifférente à l'option politique, Dominique Aubier renouvelle son avertissement. Elle le fait, cette fois, dans un court essai Le réel au Pouvoir, publié par les éditions Dervy. L'argumentaire n'y est plus biblique. L'Histoire Naturelle, la Biologie viennent témoigner de la réalité des constances évolutives. Elle le fait dix ans avant que Jean-Marie Pelt s'aperçoive qu'il y a lieu, en effet, d'en soupçonner la présence dans son petit livre De l'Univers à l'être, réflexions sur l'évolution, publié chez Fayard en 1996.
Les deux ouvrages devraient être comparés. Il suffit de les lire en accordant la priorité au scientifique, pour voir la différence. Le flou fait miracle dans la pensée qui s'estime inventive de Jean-Marie Pelt. La précision dont fait preuve Dominique Aubier à l'égard des mêmes données est stupéfiante. Des analogies rigoureuses, établies sur le schéma systémique, font ressortir l'existence inviolable de certains rouages qui se transforment en diagnoses décisives à l'égard du mal qui nous ronge socialement, la crise économique. Une analyse virulente du chômage introduit des propositions qui auraient pu être écoutées.
Machiavel a bien raison de préciser que les princes ont le devoir de régler les problèmes avant que l'émotion publique les rende insolubles. Dominique Aubier aura indiqué quelques moyens susceptibles de régulariser le drame du chômage. Elle aura décrit la cause évolutive active sous le phénomène de raréfaction du travail. Et relevé les idées qui en découlent pour arrêter les dégâts. Mais il semblerait que le chômage convienne à l'establishment et qu'à ce titre, toute tentative pour rectifier le tir soit condamnée à mourir dans l'œuf.
Renoncer à pouvoir jamais atteindre l'esprit cadenassé des hommes du pouvoir ? Dominique Aubier serait-elle protégée contre le découragement ? Une troisième fois, elle essaiera d'alerter. Cette fois, ce sera aussi directement que possible, sous la forme d'une lettre ouverte adressée à Jacques Chirac, à l'occasion de sa folle décision de relancer les essais nucléaires. Tir de Voyance sur Mururoa est publié. Plusieurs lecteurs, de leur propre initiative, ont tenu à faire connaître ce livre à l'Elysée.
Pourquoi Dominique Aubier s'est ainsi obstinée à tomber dans ce que d'aucuns ont appelé la mélasse psycho-politique ? Il s'est trouvé, en effet, des personnes, parmi les mieux intentionnées, pour considérer comme anormal qu'un écrivain soucieux de pureté doctrinale, en matière de Connaissance sacrée, s'autorise à choir dans le bourbier socio-politique. Et à trois reprises. Comme si l'Auteure plaidait sa cause, en vue d'obtenir un jour le portefeuille du Ministère de l'Intérieur ! Dominique Aubier a repris ses esprits : « Il faut toujours accorder trois traitements à une idée. C'est l'ordre donné par la loi des trois niveaux d'organisation. Je lui ai obéie. On ne me reprochera pas d'avoir eu sur la crise un avis que je n'aurais pas donné. D'autant qu'il s'agit là d'un dépôt, comme on le dit d'un glacier, relevant d'une situation évolutive si grave que la vie sur terre en dépend. En pareille circonstance, comment se taire ? Je ne regrette qu'une chose: c'est de ne pas avoir les moyens matériels de klaxonner assez fort pour que le monde entier m'entende… »
D. Blumenstihl Roth
Et justement, pour entendre Dominique Aubier :
— La série des films Ciné-Code (sur clé USB)
— Tous les livres de Dominique Aubier
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