Le Messianisme
(Et Jésus dans tout cela ?)
par Dominique Aubier
Le messianisme ! Ce terme plonge dans un mystère qui tracasse les esprits. On voudrait savoir de quoi il s'agit. Et d'abord, qu'appelle-t-on « messie » ? Selon l'usage qui en est fait, le Messie serait venu avec le Christ. C'est l'opinion chrétienne. Pour les Juifs, il s'agirait d'une formulation absolue, livrant la vérité éternelle, phénomène prévisible mais non encore échu. Ainsi, le Messie serait venu pour les uns et en attente d'arrivée pour les autres.
Comment avoir une claire idée, que ce soit en terme de constat ou d'espérance ?
©Francis Roth |
Le Christ est un personnage considérable. A mon sens, il a mesuré historiquement une situation dramatique. Son martyre sur la Croix montre l'image d'une souffrance injuste, d'une condamnation qui ne devrait pas exister.
Il y a, sur le Tzadé, dix-huitième lettre de l'alphabet hébreu que représente la Croix, un homme cloué. C'est là une image effrayante du sort de l'humanité, signalé dans l'alphabet biblique. Le « péché de Hava » est à l'origine de son malheur. Jésus interprète et subit ce malheur-là. Chaque fois qu'un cycle intérieur fait resurgir l'erreur au titre du retour en phase du thème archétypal, la mort vise le côté parlé de l'évolution. L'erreur dite « Hava » est celle de toute une civilisation qui a cru en la continuité linéaire de la productivité matérielle, en la croissance continue — le serpent — en ignorant volontairement le processus évolutif. Cette ignorance nous menace.
Le Christ en cela n'est pas une mythologie. Il est l'interprète humain symbolisant le sort de l'humanité écartelée entre deux polarités tendues à l'extrême. D'une part la Connaissance, d'autre part les sciences. Il signale cette fracture, cette ligne de séparation entre les deux modalités réflexives. Il est à l'origine d'une ligne de développement spécifique, de métabolisation historique qui passe par Rome et par la Science qui se développera puissamment en opposition à la foi. En sorte que l'Occident est spécifiquement concerné par la Croix. De la Croix naîtra, a contrario, la science. Et que naît de la science ?
La Croix est un signal très important. On dit d'ailleurs, « faire le signe de la croix ». Il consiste à tracer une verticale du front au bas du sternum et d'une épaule à l'autre, à l'horizontale. La verticale, c'est la ligne du temps. L'horizontale, c'est la ligne de séparation des opposites. La Croix nous envoie, par-delà les millénaires, l'image même de ce qui nous arrive. Le Christ tombe en croix, il meurt, les bras écartés. Cela signifie que le cycle à venir, quand il ouvrira ses deux bras, subira le même supplice. Il restera suspendu à son schéma structural, sans trouver de solution miraculeuse.
La Croix annonce ce qui va se produire, mais elle indique aussi le moyen d'éviter le pire… D'où la résurrection. Celle-ci n'est possible que si nous nous dotons de l'instrument permettant de décrocher (enfin !) le Christ. Cet instrument, c'est la Connaissance. Celle que le messie reçoit, transmet et met au point de manière décisive. Que ce soit clair : le Christ n'est pas l'auteur de cette mise au point, il en est l'annonciateur symbolique. Il assume cela avec un courage inouï, en toute conscience, mettant sa propre vie sur la Croix, devenant par là-même le symbole qu'il représente.
La Croix, symbole terrifiant, est implantée dans l'Histoire. Elle s'élève sur un cycle frappé de commotion. La mise en croix de l'homme juif — et donc celle de toute l'humanité — supplicié par un impérialisme politique qui prétendra s'en laver les mains, représente la négation du verbe par l'absolutisme de l'ignorant. Cette mise en croix de l'homme porteur des symboles de l'Absolu n'est-elle pas l'annonce de la monstrueuse Shoa ?
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