Question :
Comment
les lettres d'un mot peuvent-elles toucher et dévoiler le sens des
choses, des personnes, des situations ? Vivons-nous dans un Alphabet qui
ferait de nous les Lettres vivantes d'un livre… qui s'écrit ?
Réponse :
Je
peux prendre par exemple le mot « mère ». Partout dans le monde il y a
des mères. En hébreu, cela se dit « Am » et s'écrit Alef, Mem. Les
valeurs numériques sont 1 (Alef) et Mem (40). La valeur du mot est donc
41. On additionne et on obtient la valeur générale du mot. On peut
préciser cette valeur, et pour cela, on ajoute 4 et 1, en enlevant le
zéro des dizaines. On obtient 5. Or 5, c'est la moitié de la personne.
Cela renvoie à la notion de structure commandée par le 5. Par la lettre
Hé. Or le Hé présente une droite et une gauche. Le mot « Am » revoie
donc à la notion précisée par la lettre Hé qui indique l'existence
structurelle d'une gauche et d'une droite. On ne peut être mère toute
seule, par soi-même. Il faut un en-face. Même par les procédés de
reproduction technologiquement assistés, l'existence de l'en-face est
inéluctable.
Si
je prends le mot « père », en hébreu « Ab », qui s'écrit Alef, Bet.
Donc 1 et 2. Le total 3 indique la lettre Guimel. Le père, par la somme
des lettres, renvoie à la notion de matérialité, d'appui structurel,
sans quoi il n'y aurait pas d'élément matériel de fécondation. La
fonction sociale de « père » en tant qu'appui est également indiqué par
cette lettre.
En
guématrie hébraïque telle qu'elle est conçue par les kabbalistes, on
prend la valeur des lettres, on supprime le zéro, on garde les chiffres
de 1 à 9 et on additionne. On retombe ainsi sur la partie basse de
l'Alphabet sur le tronc unique, toujours avec des chiffres inférieurs à
10. Si l'on trouve 10 en additionnant, la réduction ramène à 1. Il est
assez rare de retomber sur la valeur 2. On retrouve plus facilement la
valeur 3. On peut situer structurellement n'importe quelle somme de
lettres. N'importe quelle valeur, donc tout incident cyclique, devient
lisible en additionnant les valeurs de son nom, puis en les ramenant à
ce que l'on appelle la « réduction guématrique ». On obtient alors un
indicatif structurel qui renvoie à une réalité cyclique. Cette technique
est éprouvée par la Tradition. Il existe quantité de possibilités
mathématiques d'agencer les chiffres par toutes sortes d'opérations,
mais celle-ci est garantie par son appui sur la structure fondée sur la
base 10 (les 10 strates corticales) et le recours au tronc des
informations initiales données en première instance, en phase Bip du
cycle, étagée de 1 à 9.
Je pourrais appliquer cette règle à l'actualité, par exemple au mot « Moab
» qui a récemment circulé dans les médias. C'est le nom d'une certaine
bombe américaine dont on nous vante les capacités destructrices. On
pense immédiatement au mot hébreu, cité dans la Bible, qui a sans doute
inspiré les constructeurs de cet engin de mort. C'est le nom d'un
personnage né de l'inceste de Lot avec sa fille, et qui fonda le peuple
de Moab : littéralement « né du père » (Mo = de, venant de et Ab = le
père). En soi, le fruit d'un interdit bafoué, qui indique par le nom
même donné à cette bombe, tout ce qu'en pense l'Absolu. « Moab » s'écrit
Mem, Vav, Aleph, Bet. Transposé en guématrie nous obtenons 40 + 6 + 1 +
2. Au total 49. Qui est la guématrie également du mot « Mida ».
La « qualité », dans le sens de « Eigenschaft », ce qui distingue un
être. Comme dans le roman « l'Homme sans qualité ». Ce qui distingue le
peuple de Moab, dans la Torah, c'est qu'il devient ennemi des Hébreux
quand ces derniers approchent de Canaan. Moab leur refuse non seulement
le passage mais leur interdit l'accès aux points d'eau. Sa « qualité »
est marquée par celle de ses antécédents, issus de Lot qui, quoique
neveu d'Abraham, n'en était pas moins résidant à Sodome. Les
commentateurs ont observé que son nom est en outre l'inversion du mot « Tal
», la rosée. « Moab » désigne donc un interdit non respecté, une
violence infligée, une intention de destruction. Dans la Bible, Balak,
le roi de Moab, est l'ennemi farouche d'Israël, il demande à Bilaam de
maudire le peuple hébreu espérant que le pouvoir d'une malédiction
incantée pourrait anéantir la marche vers Canaan. Et voici qu'une bombe
porte ce nom et que ce nom se laisse entendre de par le monde. Nous
pouvons poursuivre la lecture guématrique, car 49 se réduit en 9 + 4,
donc 13. Est-ce le signe du malheur ou du bonheur ? J'y vois
spontanément la somme de 6 et 7. Le Vav cyclique (6) est accompli et
atteint à son succès (Zaïn 7). Tout dépend donc de quel cycle on parle.
Est-ce le cycle du malheur, de la guerre ? Moab est adversaire d'Israël.
Les malédictions de Bilaam cependant se retournent et qui croyait
maudire finalement bénit. C'est pourquoi ce nom funeste désignant un
engin de mort finit par affirmer son contraire. La bombe reste du côté
interdit, tandis qu'en face s'ouvre la porte (Dalet, valeur 4 somme
guématrique de 13) de la réussite heureuse.
Par
la guématrie, on parvient à toucher la réalité, à condition de ramener
le codage numérique aux valeurs premières de 1 à 9. Toutes les positions
structurelles y sont données. La lecture qui en découle doit cependant
s'adosser également au code des archétypes, à la connaissance des
lettres, si possible des Textes qui apportent des éléments analogiques,
faute de quoi on s'égarerait dans des fantaisies. Toutes les positions
structurelles, détectables par la guématrie, sont données. L'alphabet
hébreu possède une sorte de pré-synthèse de première instance (Bip),
l'Aleph à Tet, et l'on peut par les nombres, atteindre l'ordre
structurel. Cela permet d'identifier « qui » et « quoi ». Qu'est-ce, et
de quoi est-ce fait. En hébreu cela s'exprime par les termes de « Mi »
et « Ma ». Quand on lit Don Quichotte, on s'aperçoit que le grand
capitaine de la navigation est l'argonaute « Mami », ce nom codé renvoie
à la distinction de « Qui est qui, Quoi est quoi », les deux étant
unis. Au niveau d'Adam, d'Homosapiens, cela revient à demander :
« qu'est-ce que cette créature biologique (Ma) et qui est-elle quand
elle s'élève jusqu'au Yod, s'empare et devient « Mi », qui s'écrit avec
un Yod ? »
Un
autre exemple pour vous montrer comment fonctionne la lecture des
lettres hébraïques et comment cela surmonte la lecture littérale. Le mot
« nemla », dans le verset biblique « demande la sagesse à la fourmi ». La fourmi, « nemla
» en hébreu s'écrit Noun, Mem, Lamed, Hé. Ce n'est certainement pas à
un insecte que l'humanité doit demander la sagesse, elle ne relève pas
du tout du même statut évolutif que les mammifères auxquels nous
appartenons. En réalité, il faut s'adresser au mot qui désigne la
fourmi. L'insecte, quant à lui, n'a aucune sagesse ni même de pensée.
Mais le mot, oui. Donc demande la sagesse à « nemla ». Aux
lettres qui écrivent le mot. Noun, c'est l'homme culturel. Mem désigne
l'universalité. L'homme, pour atteindre à l'universalité doit apprendre
(Lamed) tout le savoir de gauche et la connaissance de droite. Il lui
faut donc s'intéresser à la science — branche gauche du Hé — et à la
connaissance du système qui est donné — branche droite. Connaître les
exploitations de l'expérience qui en sont faites, par les sciences, y
compris les mathématiques, à condition qu'elle ne deviennent pas
impérieuses et absolutistes sinon l'humain, privé d'Alef ne serait qu'un
robot… fonctionnant en automatisme insectoïde. La vérité ne se donne
pas du côté « Qui Fait », du « Ma », le côté de la science isolée. On comprend cela en regardant le film Pi 3,14
de Darren Aronofsky*. La sagesse, la vérité, ne peuvent se départir du
sacré. Ce qui est cauchemardesque dans ce film, c'est l'enfermement de
la gauche des sciences sur elles-mêmes et le fait que le chercheur
n'envisage que cela. Nous vivons dans cet enfermement, socialement,
culturellement : trop de sciences, trop de pensée unique. La réalité est
beaucoup plus simple. A trop s'adonner à l'adoration des sciences, veau
d'or moderne, on rate le réel, ce réel qui est avant tout verbal et
d'essence spirituelle.
Extrait du livre Inédits 1. de
Dominique Aubier. Avec votre soutien, ce livre sera prochainement
édité. Les Lecteurs et Lectrices peuvent retenir leur exemplaire en
écrivant à d-b-r(a)bbox.fr Prix indicatif : 47 euros
Nombre d'exemplaires limité
MLL / La Bouche du Pel
BP 16
27 240 DAMVILLE
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*Explication de ce film dans le livre Quand le Sacré fait du cinéma.