« Loin, loin, solitaire dans la plaine ouverte d'Espagne, la grand figure de Don Quichotte se projette comme un gigantesque point d'interrogation : il est sur son chemin comme l'un des gardiens du secret de l'Espagne… », écrit l'un des plus grands philosophes Espagnol, Ortega y Gasset.
Des milliers d'études ont été écrites afin d'arracher au point d'interrogation légendaire de son secret. Don Quichotte, l'hidalgo représentant l'Espagne s'est tu et n'a pas dévoilé son secret. On continue à lire le récit de ses aventures avec le sentiment que nous demeurons en-dehors, sans la possibilité de pénétrer jamais dans la plus profonde des chambres de ce palais verrouillé dont on a perdu la clé.
Dominique Aubier, femme de lettres, a recherché — et trouvé — la clé perdue. Elle est convaincue que les contemporains de Cervantès connaissaient cette clé. « Ce récit est si clair qu'il n'y a aucune difficulté à le comprendre », avait dit Don Quichotte à propos de ses propres aventures.
Dominique Aubier a cherché à connaître le secret de Don Quichotte et nous informe que ce secret est mystique. Avec prudence et un courage audacieux, elle n'hésite pas à déclarer que Don Quichotte est un livre prophétique. 25 siècles après Ezéchiel et dans des conditions semblables — exil et menaces, lot du peuple choisi à l'époque de l'Inquisition — le célèbre chevalier se tient sur la route brillante d'Israël. Pendant des générations, les chrétiens avaient cru que Salomon Ibn Gabirol était un philosophe de leur religion et l'ont souvent affirmé jusqu'à ce que le savant français Salomon Munk (1803-1867) identifie le « fonce vitae » latin comme la traduction du livre d'Ibn Gabirol et prouve que le fameux Aviceron des chrétiens était juif.
Ainsi Dominique Aubier dévoile le secret de Don Quichotte comme une allégorie tragique des Juifs d'Espagne. Elle se base sur la littérature du livre célèbre afin d'arriver à des conclusions d'allusions, allusions ésotériques. Pour elle, don Quichotte symbolise le peuple juif et constitue une personnalité semblable à celle d'Ezéchiel. Dès lors que Cervantès, marrane et donc descendant d'une famille juive ne pouvait s'exprimer librement dans un pays livré à la férule de l'Inquisition, il aurait choisi de parler derrière le voile de l'allégorie : la bataille de Don Quichotte symbolise celle du peuple juif contre les ombres et l'idolâtrie de ce monde.
Dominique Aubier donne en exemple la lutte célèbre de Don Quichotte contre les moulins à vent comme une claire allusion à la lutte du judaïsme contre la théologie inquisitoriale, et de même Don Quichotte sort de ce combat blessé, battu, ainsi le peuple juif est-il battu, blessé en ce siècle de fer.
Dominique Aubier est née en 1922, dans le Sud de la France, à Cuers, en Provence, dans une famille chrétienne extrêmement modeste. Bénéficiant d'une bourse d'Etat, elle put faire ses études à Nice d'où elle rejoignit la Résistance, à Grenoble, pendant la Seconde Guerre Mondiale. Elle sait ce que « résister » veut dire. Tout en dévoilant l'histoire de Don Quichotte, elle nous trace le chemin de sa vie, car elle a appris l'hébreu et l'araméen afin de pouvoir lire le Zohar dans le texte et comparer sa méthodologie à celle de Don Quichotte. Dominique Aubier présente devant tout le peuple d'Israël — celui de la Gola (exil) comme celui d'Israël — une question centrale et décisive quant à notre résurgence nationale : allons-nous devenir un petit peuple bourgeois ne rêvant que de réussites matérielles, de réfrigérateurs et d'automobiles ? Ou bien renouvellerons-nous l'aventure juive dont la particularité est enregistrée dans l'Histoire de notre peuple depuis les temps bibliques, jusqu'à la résurrection de l'Etat d'Israël en 1948 ?
André Chouraqui
— Don Quichotte prophète d'Israël, éd. Robert Laffont, réédition 2013, Ivréa-Gallimard.
— Victoire pour Don Quichotte.
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